Études classiques | Traduction et annotation de Ji zhi wengao 祭姪文稿 - Feibai Institute
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Études classiques | Traduction et annotation de Ji zhi wengao 祭姪文稿

Le nom complet de ce brouillon : Ji zhi zeng Zanshan daifu  Jiming wen zhi gao 祭姪贈贊善大夫季明文之稿 « Brouillon de l’éloge funèbre au neveu Jiming élevé au rang de Grand-officier Conseiller » est tiré d’une phrase du texte. Ce nom est le plus souvent abrégé ainsi : Ji zhi wengao 祭姪文稿 « Brouillon de l’éloge funèbre au neveu », ou simplement Ji zhi gao 祭姪稿.

Cette célèbre œuvre de calligraphie est réalisée en cursive type xingcao 行草 “courante-cursive”, avec 230 caractères sur 21 colonnes, nombre variable de caractères par colonne, sur un rouleau de papier de chanvre.

 

Texte traduit du chinois classique en français et annoté par Paul Navailh et Hu Jiaxing, première publication sur ce site.
Le texte accompagné de la traduction annotée ne respecte pas strictement la répartition par colonnes dans l’œuvre originale, mais suivit plus les coupures entre les phrases.

 

維乾元元年,歲次戊戌,

Wéi qiányuán yuánnián, suìcì wùxū

 

En la première année de Ganyuan, année Wuxu,

 

維 Wéi (aussi écrit 唯, 惟) est un mot grammatical de début de phrase. Il signifie : « c’est à tel moment que … ».
乾元 Qianyuan, de 758 à 760,  est le nom de la deuxième ère du règne de 肅宗 Suzong, onzième empereur Tang. Il régna entre 756 et 762. 元年 Yuannian signifie : première année d’une ère.
  Suici (aussi 年次 nianci, suizai) indique le rang de l’année dans le comput sexagésinal. , ici 戊戌 Wuxu.

 

九月,庚午,  朔三日壬申,

jiǔyuè, gēngwǔ, shuò sānrì rénshēn

 

Au neuvième mois,, au troisième jour Renshen, le 1er jour étant Gengwu,

 

Shuo : la nouvelle lune, marque le début de chaque mois. Le premier jour de ce neuvième mois était 庚午 Gengwu dans le cycle sexagésinal. Donc, le troisième jour, — quand Yan Zhenqing rédige ce texte –, était 壬申 Renshen.

 

第十三叔,銀青光祿(大)夫

dì shísān shū, yín qīng guānglù dàifū

 

(Ton) treizième oncle,  Grand-officier argent et bleu du Bonheur brillant,

 

Shu, désigne un oncle plus jeune que le père du neveu auquel il s’adresse. Yan Zhenqing avait dix frères et sœurs, il était le septième. Mais ils étaient quinze frères et cousins dans la lignée paternelle, c’est là qu’il était le treizième. En chinois, les mots frère ainé et frère cadet sont les mêms pour les frères et les cousins.
銀青 Yinqing, « argent et bleu » est l’abréviation de 銀印青綬 Yinyin qingshou : « sceau d’argent et ruban de soie bleu » qui sont des insignes de hauts dignitaires.
銀青光祿大夫 Guanglu daifu, littéralement « Grand-officier du brillant bonheur » était originellement un haut fonctionnaire en charge des banquets impériaux. C’était devenu un titre honorifique attribué à des hauts dignitaires depuis les Sui et les Tang jusqu’aux Qing.
Sous les Tang, le銀青光祿大夫 yínqīng guānglù dàifū était un fonctionnaire civil de 3ème  rang, 2ème classe.

 

 

使持節,蒲州諸軍事,蒲州刺史,

shǐchíjié, Púzhōu zhū jūnshì, Púzhōu cìshǐ ,

 

Missionné en province, en charge des troupes à Puzou et Préfet de Puzhou,

 

使 Shi : envoyer en mission à l’extérieur, en province ou à l’étranger. 持節 Chijie, littéralement « tenir une plaquette d’investiture » était le titre de certains gouverneurs en province.
蒲州 Puzhou est un ancien nom de Yongji, ville du sud-ouest du Shanxi, sur la rive est du Huanghe. 刺史 Cishi, traduit par « préfet » est le magistrat en charge d’une « préfecture » Zhou.

 

上輕車都尉,丹陽縣開國侯,  真卿,

shàng qīngchē dūwèi, Dānyáng xiàn kāiguó hóu, Zhēnqīng

 

Commandant supérieur des chars légers, marquis de Danyang, Zhenqing

 

輕車 Qingche désigne les chars de guerre légers, 上 Shang signifie  « supérieur ».
都尉 Duwei était le commandant militaire d’une Commanderie ( jun), d’une Préfecture ( zhou) ou d’une Principauté (國 guo).
縣侯 Xianhou est traduit par : marquis de sous-préfecture. Sous les Tang, la noblesse était divisée en 9 rangs, 開國縣 kaiguo xianhou était au 6ème rang et c’était le plus haut des marquis. Par ailleurs, Hou : Marquis est le second des cinq titres traditionnels de noblesse 公侯伯子男 gong hou bo zi nan, traduit par : duc marquis, comte, vicomte, baron,
丹陽縣 Danyangxian, il y a eu plusieurs sous-préfectures (縣 xian) de ce nom sous les Tang.
En fait, ces deux titres de « Commandant des chars légers » et « Marquis de sous-préfecture » étaient des titres honorifiques.
真卿 Zhenqing : Yan Zhenqing donne son prénom à la fin de sa titulature, cela correspond au pronom personnel :moi.

 

以清酌庶羞祭于亡侄贈贊善大夫季明之靈。

yǐ qīng zhuó shù xiū jì yú wáng zhí zèng zàn shàn dàifū Jìmíng zhī líng

 

Avec des alcools fins et des mets délicats, j’offre un sacrifice à l’âme de Jiming, neveu défunt, honoré du titre (posthume) de Grand-officier Conseiller.

 

清酌庶羞 Qingzhuo shuxiu sont les alcools et les nourritures présentés en offrande ( ji ) aux dieux ou aux morts.
贊善大夫 Zanshan daifu  était un fonctionnaire attaché au service du Prince héritier,  chargé de l’assister et le conseiller, comme son nom l’indique 贊善 zan shan : « recommander le Bien » . Ce titre lui est donné à titre posthume (贈 zeng )

 

惟爾挺生,夙標幼德。

Wéi ěr tǐng shēng, sù biāo yòu dé.

 

Tu étais remarquable, tu avais toujours montré ta jeune vertu.

 

宗廟瑚璉,階庭蘭玉,每尉人心。

Zōngmiào húliǎn, jiētíng lán yù, měi wèi rénxīn.

 

(Tels) les vases sacrificiels du temple ancestral et les précieuses plantes de la cour (familiale), tu étais le réconfort de nos cœurs.

 

宗廟 zongmiao : le temple ancestral est le temple d’un clan où l’on offre des sacrifices à l’ancêtre fondateur de la lignée.
 瑚璉 hulian : les vase sacrificiels contenaient les offrandes de céréales dans le temple ancestral. C’est une image pour une personne utile à l’Etat.
蘭玉 lan yu est l’abréviation de 芝蘭玉樹 zhi lan yu shu : iris, orchidées et arbres en jade, une métaphore pour une jeune personne au talents prometteurs.

 

方期戬穀,何圖逆賊閒/間釁,稱兵犯順。

Fāng qí  jiǎngǔ, hé tú nìzéi jiān xìn, chēng bīng fàn shùn.

 

Alors même que tu aspirais au bonheur, comment imaginer que des félons  profitant d’une faille,  prennent les armes et attentent à l’obéissance.

 

間釁 jian xin, mot à mot « guetter une fissure » signifie : profiter d’une occasion pour mal agir. Dans le texte est mis pour .
逆 ni et 順 shun sont antonymes. Dans犯順  fan shun, fan c’est commettre une faute, un délit, enfreindre la règle, shun c’est suivre, aller dans le bon sens et désigne en particulier l’obéissance due aux parents et au souverain.

 

爾父竭誠,常山作郡。

ěr fù jiéchéng, Chángshān zuò jùn.

 

Ton père d’une parfaite intégrité, gouvernait la commanderie de Changshan.

 

常山 Changshan correspond au district (xian) de 正定 Zhengding, ville de 石家  Shijiazhuang, province du 河北 Hebei.

 

餘時受命,亦在平原,

yú shí shòumìng, yì zài píngyuán,

 

A la même époque, je fus nommé Gouverneur de Pingyuan.

 

平原 Pingyuan correspond au district de 德州 Dezhou avec des parties des districts de Qihe, 惠民 Huimin et Yangxin, province du Shandong.

 

仁兄愛我,俾爾傳言,

rénxiōng ài wǒ,   bǐ ěr chuán yán,

 

Mon cher frère avait de l’affection pour moi, il te chargea de me transmettre son message.

 

仁兄 Ren xiong équivaut à « cher frère (ainé) », puis plus largement « cher ami ». ren est la vertu confucéenne de bienveillance, de bonté pour autrui

 

爾既歸止,爰開土門;土門既開,凶威大蹙。

ěr jì guī zhǐ,     yuán kāi tǔmén;  tǔmén jì kāi,   xiōng wēi dà cù

 

Tu étais retourné, quand la Porte de Terre fut ouverte ; la Porte de Terre ouverte, les forces mauvaises étaient en désarroi.

 

Tumen est aussi appelée 門關 Tumen guan : la Passe de la Porte de Terre. Ce lieu s’appelle de nos jours Jing xing : le défilé du puits, englobé dans  l’actuelle 石家  Shijiazhuang, province du 河北  Hebei. De fait, 常山 Changshan, où était assiégé 杲卿 Yan Gaoqing, et Tumen se trouvent tous les deux dans l’aire de 石家Shijiazhuang.

 

賊臣不救,孤城圍逼。

zéi chén bù jiù,    gū chéng wéi bī.

 

Un serviteur traître n’a pas porté secours, la ville abandonnée fut assiégée et prise.

 

zei chen « serviteur traître » qualifie les hauts fonctionnaires traitre à leur patrie. Ce mot  désigne ici 王承業 Wang Chengye, gouverneur de la ville de Taiyuan (太原府尹 Taiyuan fuyin) au 山西 Shanxi, qui refusa de secourir la ville de 常山  Changshan où était杲卿 Yan Gaoqing.

 

父陷子死,巢傾卵覆。

fù xiàn zi sǐ,     cháo qīng luǎn fù,

 

Le père captif, le fils mort, le nid est renversé, les œufs sont brisés.

 

De fait, 杲卿 Gaoqing avait d’abord temporisé avec les rebelles et laissé son fils 季明 Jiming en otage.  Quand 常山 Changshan fut assiégée ils le menacèrent de tuer son fils, il préféra le laisser perdre la vie que de se rendre. Après sa reddition ultérieure, il fut amené à  Luoyang devant 祿 An Lushan, puis exécuté lui aussi.
傾卵覆 Chao qing luan fu est une citation tirée du shishuo xinyu – yanyu. Elle signifie la disparition totale d’une famille, la ruine d’un pays.

 

Yan, Zhenqing 顏真卿, Ji zhi wengao 祭姪文稿 “Brouillon d’éloge funèbre au neveu” (détail). 759. Calligraphie en cursive, rouleau horizontal, encre sur papier, largeur 28,3 cm, longueur 75,5 cm, calligraphie originale conservée au Musée national du Palais, Taipei. Source : Musée national du Palais.

 

天不悔禍,誰為荼毒

tiān bù huǐ huò,    shuí wèi túdú

 

Le Ciel ne regrette pas ses fautes.  Qui a causé ces tourments ?

 

天不悔禍 Tian bu hui huo, cette phrase provient du 公十一年 Zuozhuan, Yin gong shiyi nian.  Elle signifie que le Ciel, entité impersonnelle suprême, est indifférent aux hommes.
荼毒 Tudu, littéralement « plante amère et venin » est une expression imagée signifiant : détruire, massacrer, faire du mal.

 

念爾遘殘,百身何贖?嗚呼哀哉!

niàn ěr gòu cán,  bǎi shēn hé shú? Wūhū’āizāi!

 

Je pense à ton sort funeste. Cent victimes ne pourraient te racheter. Hélas, hélas !

 

百身何贖?Bai shen he shu,  mot à mot : « cent corps (humains) pourraient-ils racheter (cette mort) ? » Cette phrase, exprimée sous forme de question rhétorique, vient d’un poème du 詩經-黃鳥 Shijing, Qinfeng, Huang niao. Le poème dit que à l’enterrement de 穆公 Mu gong, Le duc Mu, cent personnes étaient prêtes à se sacrifier pour le faire revivre. Cette phrase exprime l’affliction du deuil pour une personne irremplaçable.
嗚呼哀哉!Wuhu aizai ! Une interjection de douleur, de désespoir, fréquemment utilisée pour déplorer déces.

 

吾承天澤,移牧河關。

Wú chéng tiān zé, yí mù hé guān.

 

Recevant la faveur impériale, je fus muté à Heguan.

 

天澤 Tian ze « bienfaits, faveurs du Ciel », ici le Ciel désigne 天子 Tianzi, le Fils du Ciel, l’Empereur.
mu est un vieux mot pour « gouverner », son sens originel est « berger »
he guan, littéralement « le Fleuve et le col de montagne » désigne 蒲州  Puzhou, cité plus haut.

 

泉明比者,再陷/至常山。

Quán míng bǐzhě, zài xiàn / zhì Chángshān

 

Quanming, récemment est retourné à Changshan,

 

泉明 Quanming est le fils ainé de 顏杲卿 Yan Gaoqing. Yan Zhenqing, en 758, le chargea d’aller à 常山 Changshan chercher les dépouilles de son père et de son frère. Il ne ramener que la tête de Jiming.
Le caractère 陥 xian semble être une erreur, à remplacer par 至 zhi : arriver.

 

攜爾首襯,及茲同還。

xié ěr shǒu chèn,  jí zī tóng huán.

 

Avec ta tête dans un coffret, il est revenu ici.

 

櫬 Chen est un ancien nom du sterculier (梧桐 wutong) dont on fait les cercueils, d’où le sens de cercueil. Ici, shou chen 首櫬 désigne une tête coupée et le coffret spécial qui la contient.

 

撫念催切,震悼心顏!

fǔ niàn cuī qiè,     zhèn dào xīn yán!

 

Cette pensée funèbre me dévaste complètement,

Le deuil tourmente mon cœur et mon visage

 

方俟遠日,卜爾幽宅。

fāng qí yuǎn rì,     bǔ ěr yōu zhái.

 

Attends désormais le jour lointain,

Où l’on déterminera le lieu de ta sépulture.

 

卜宅  bu zhai : trouver par la divination (bu) où placer une habitation ou une tombe. 幽宅youzhai, littéralement : sombre demeure, désigne la tombe.

 

魂而有知,無嗟久客。

hún ér yǒu zhī,     wú jiē jiǔ kè.

 

(Si) ton esprit en a conscience,

Ne nous blâme pour ce long séjour (en terre étrangère).

 

有知 you zhi : apprendre, prendre connaissance de. Ici, c’est comme lorsqu’en français on s’adresse à un mort en disant : « si tu nous entends »
Le neveu aurait du être enterré dans le lieu d’origine des ancêtres de la famille Yan, dans le 山東  Shandong, même s’il n’y vivait plus. Or, il fut enterré à 長安  Chang’an, la capitale, car la situation restait troublée. Yan Zhenqing, dans ce passage,  veut dire à son neveu que cette sépulture sera provisoire. Dans 久客 jiu ke, ke signifie : l’hôte de qqn, celui qui se trouve ailleurs que chez lui.

 

嗚呼哀哉!尚饗!

Wūhū’āizāi!     Shàng xiǎng!

 

Hélas, hélas ! Veuilles tu goûter à cette offrande.

 

尚饗  Shang xiang est une formule habituelle placée à la fin d’un 祭文jiwen éloge funèbre. xiang a le même sens de base que xiang : jouir de (goûter à, profiter de) mais a en plus la valeur d’offrir de la nourriture en sacrifice.

 

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