Feibai signifie « blanc-volant », un geste calligraphique qui s’inspire originellement de l’élan de chauler les murs pendant les travaux, vu par un certain Cai Yong 蔡邕 (132/133-192), calligraphe lettré du II^e siècle.

Selon le Jugements sur les calligraphes (Shuduan 書斷) du VIII^e siècle, c’était dans les années de l’ère Xiping (172-178), l’empereur Ling des Han ordonna à Cai Yong de rédiger l’Essai sur l’auguste empereur (Shenghuang pian 聖皇篇). Lorsque l’essai fut achevé, il l’apporta et le remit à l’École aux portes de la Grande Capitale (Hongdumen 鴻都門) ; à cette époque, on était en train d’embellir les portes de la Grande Capitale ; Cai Yong vit des employés faire des caractères avec de la chaux et des balais, il s’en réjouit intérieurement, s’en retourna et réalisa l’« écriture en blanc-volant » (Feibai zhi shu 飛白之書) [1].

Cai Yong a vu une créativité potentielle dans le geste ordinaire de chauler les caractères. Désormais le terme feibai est devenu un terme calligraphique, dont le tracé laisse voir les lacunes à cause d’un passage vif du pinceau, ce vide d’encre évoque une esthétique aérienne. Le caractère fei 飛 « voler » est l’image d’un oiseau battant des ailes dans les airs, bai 白 signifie le « blanc ». L’oiseau qui vole dans les cieux ne laisse pas de trace. Ces deux caractères sont métaphoriquement employés pour décrire un vide qui échappe à notre intention dans la pratique artistique.

Feibai symbolise également un acte de création, dans sa thèse de recherche-création, Zhao Fei a écrit que l’acte de création est un acte cosmogonique, l’art crée des expériences qui nous font traverser les différents espaces-temps [2]. Feibai germe dans les expériences vécues pendant la pratique artistique. Ces expériences gestuelles sont pourtant aussi des expériences de la pensée — voire de la rêverie —, dans lesquelles se répandent délicieusement l’imaginaire lointain retenu dans les traits de l’art chinois. Là, la main et le cœur se dialoguent, le geste s’accorde avec les songes. Fusionnant la calligraphie, les arts plastiques et la sinologie en une entité dynamique, Feibai Institute a pour cette vocation d’éveiller la créativité innée à travers la pratique artistique.

[1] Dans la première moitié du VIII^ème siècle, Zhang Huaiguan 張懷瓘 (actif vers 724-760), calligraphe et théoricien de l’art des Tang, attribue dans son traité Jugements sur les calligraphes (Shuduan 書斷) l’invention du terme feibai à Cai Yong, texte originel : 按漢靈帝熹平年詔蔡邕作《聖皇篇》，篇成，詣鴻都門上，時方修飾鴻都門，伯喈待詔門下，見役人以堊帚成字，心有悅焉，歸而為飛白之書. cf. Zhang Huaiguan, Jugements sur les calligraphes (Shuduan), traduction en français par Yolaine Escande, voir Traités chinois de peinture et de calligraphie, Tome II. Les textes fondateurs (les Tang et les Cinq Dynasties), Paris, Klincksieck, 2010, p. 273.

[2] Zhao Fei, Du Ciel : comme archétype de l’acte de création, thèse de recherche-création en Esthétique, Sciences et Technologies des Arts, Spécialité en Arts Plastiques, soutenue le 17 mars 2022 à la Maison de la Recherche de l’Université Paris 8.